Extraits de l’étude du Rapport annuel de la Commission bancaire – 1994
Offrant des prestations de recouvrement, de garantie, de financement et de gestion du compte-client, l’affacturage domestique est à la fois une opération de recouvrement, de garantie, de financement et de gestion du compte-client.
L’opération d’affacturage est une technique utilisée par les entreprises en vue de mobiliser leur poste clients. Elle consiste en un contrat qui lie la société d’affacturage, communément appelée « factor », à son client, dénommé « adhérent ». Cette opération a pour particularité d’impliquer une collaboration active du factor et de l’adhérent, en particulier au niveau des échanges d’informations. L’affacturage est défini par la Banque de France comme « le transfert de créances commerciales de leur titulaire (l’adhérent) à un factor qui se charge :
À ce titre, elle est une opération de crédit : elle répond, en effet, à la définition de l’article 3 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 au terme duquel « constitue une opération de crédit (…) tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ».
Par ailleurs, la jurisprudence constante des tribunaux administratifs et judiciaires a, depuis, régulièrement confirmé que l’achat de créances non échues, par la voie du paiement subrogatif, constitue une opération de crédit.
Le support juridique est, dans l’immense majorité des cas, la subrogation conventionnelle. La subrogation conventionnelle (articles 1249 et 1250 du Code civil) permet à un tiers de recueillir les droits, actions, privilèges ou hypothèques d’un créancier contre son débiteur, à condition que cette subrogation soit expresse et simultanée à la vente de la créance. La créance doit être née lors de la cession : une commande non livrée ne peut entrer dans le champ d’application. Dès lors, le transfert est opposable aux tiers sans autre formalité. L’inscription du montant de la créance subrogée au crédit du compte courant de l’adhérent sur les livres du factor équivaut à un paiement dont le bénéficiaire (l’adhérent) peut disposer.
Article 1249 du code civil : La subrogation dans les droits du créancier au profit d’une tierce personne qui le paie est ou conventionnelle ou légale.
Article 1250 du code civil, Alinéa 1 : Cette subrogation est conventionnelle, lorsque le créancier recevant son paiement d’une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement.
Les contrats prévoient le plus souvent l’exclusivité du recouvrement des créances au profit d’un factor, mais celle-ci se rapporte — notamment lorsque l’adhérent est une grosse société — à une partie de la clientèle ou à certaines opérations (les exportations par exemple). Par ailleurs, sont insérées dans les contrats des clauses systématiques rappelant que le factor possède un recours légal contre l’adhérent en cas de fausses factures et de vices cachés ou de litiges techniques ; il peut alors demander le remboursement de ces créances sans cause. Le recours contre l’adhérent s’exerce par la rétrocession des créances qui sont contre-passées en compte courant et, le cas échéant, par la résiliation du contrat. De multiples avenants permettent à la fois d’ajuster le service rendu aux besoins des adhérents et de maintenir les risques encourus au niveau jugé approprié par le factor.
L’originalité de l’affacturage réside donc dans l’exercice de trois métiers qui sont proposés à l’adhérent, en totalité ou à la carte : prestataire de services, assureur, banquier. Le métier de prestataire de services, historiquement le premier, va bien au-delà des services offerts par un cabinet de recouvrement.
En effet, le factor, qui n’intervient pas dans les relations commerciales de l’adhérent, remplit pour celui-ci des fonctions de :
Le métier d’assureur est exercé lorsque, comme c’est le cas le plus fréquent, le factor a acquis les créances sans recours contre l’adhérent. La cession étant parfaite, l’adhérent est certain d’obtenir le paiement définitif, soit à l’échéance de la créance commerciale, soit à une autre date convenue contractuellement. Sont ainsi couverts le risque de non-paiement à l’échéance et d’insolvabilité du débiteur. Le factor est alors en risque sur le débiteur et se rémunère par une commission de garantie, souvent confondue dans la commission d’affacturage, dont le taux varie entre 0,5 % et 3 % de l’encours toutes taxes comprises de créances qu’il accepte de couvrir. Cet encours est dit « approuvé », comme pour l’assurance-crédit. L’approbation peut porter sur un client de l’adhérent ou une fraction des créances remises par ce dernier. Elle est fondée sur des critères particuliers liés à la documentation et aux renseignements que le factor a réunis. L’un d’entre eux peut être l’approbation par une société d’assurance-crédit qui partage alors le risque avec le factor. La garantie porte sur l’intégralité de l’encours et fonctionne comme une ligne de crédit confirmé. Les créances non approuvées — pour lesquelles aucune garantie n’a été ouverte — peuvent néanmoins être gérées par le factor. En cas d’impayés, celles-ci seront généralement rétrocédées à l’adhérent. La ligne peut être ouverte au coup par coup ou bien de manière « revolving ». Grâce au mécanisme du compte courant, les paiements effectués par le client sont alors imputés en priorité sur les factures garanties. Certains contrats, combinant l’utilisation de la cession Dailly avec un mode de financement « revolving », laissent au factor la possibilité de se servir des factures non financées et non garanties pour couvrir le risque sur les autres créances.
Enfin, le métier de banquier apparaît quand le factor met à disposition de ses adhérents, sans délai, un montant égal à tout ou partie des créances acquises : il consent alors un véritable crédit dont le terme coïncidera avec le règlement des créances par le débiteur. Durant cette période, il se rémunère par une commission de financement calculée prorata temporis, qui est précomptée ou postcomptée. Selon les cas, le financement est supporté par la trésorerie du factor lui-même (l’adhérent reçoit dans les deux jours un chèque ou un virement) ou bien est à la charge d’une banque tierce ; le factor souscrit alors des billets à ordre — moyennant une commission d’intervention de l’ordre de 1 % généralement — susceptibles d’être escomptés par les banquiers de l’entreprise. Les créances non approuvées, c’est-à-dire non garanties, peuvent donner lieu à un règlement sans délai, mais celui-ci est analysé comme une avance consentie à l’adhérent et remboursable à l’échéance des créances. Le factor supporte dans ce cas un risque sur l’adhérent. En revanche, si les créances ont été achetées sans recours contre ce dernier, le risque porte sur le débiteur. Il existe une variante, sous la forme du contrat à maturité, qui prévoit un financement entre l’échéance contractuelle et le paiement effectif de la créance, en cas de retard de règlement de la part du débiteur. En principe, l’adhérent avise tous ses clients qu’ils doivent régler le factor. Il remet ses factures au factor avec un bordereau récapitulatif et une demande de paiement accompagné d’une quittance subrogative. Après examen des factures, le factor effectue le règlement qui porte sur le montant des créances net des commissions et retenues de garantie dues. Dans la pratique récente, ces opérations ainsi que l’approbation des créances sont souvent automatisées et l’adhérent connaît immédiatement sa situation par rapport aux autorisations de financement ou de garantie données par le factor. Dans ce cas, l’approbation est davantage liée à un plafond qu’à une sélection au coup par coup. Il existe cependant une modalité particulière d’affacturage qui ne donne pas lieu à notification au débiteur : l’affacturage confidentiel. Cette technique, souvent sollicitée par l’adhérent pour des raisons commerciales, lui permet de mobiliser son compte-client et d’obtenir la garantie du factor, sans pour autant déléguer le recouvrement des créances. Dans ce cas, l’adhérent doit être à même de fournir au factor l’état des règlements et des impayés. La révision des lignes et la résiliation du contrat prennent effet sous réserve d’un préavis contractuel pour les factures non encore remises au factor, à l’exclusion des créances déjà nées. Un dépôt de garantie par adhérent peut être ouvert sur les livres du factor pour couvrir le risque qu’un adhérent se trouve dans la situation d’avoir bénéficié d’un financement pour un montant supérieur à celui des cessions de créances approuvées. En effet, les rétrocessions de créances peuvent excéder le solde du compte de l’adhérent. Ce dépôt de garantie est alimenté par un prélèvement correspondant à un pourcentage de l’encours approuvé lors de la cession des créances. Sous la pression de la concurrence, ces dépôts, qui peuvent se monter à 20 % de l’encours approuvé, se réduisent aujourd’hui à une fourchette allant de 2 % à 10 % en fonction de l’évaluation faite par le factor relative à la qualité de l’adhérent, allant même jusqu’à la suppression pour les adhérents de la meilleure qualité.
Le crédit-interentreprises correspond aux délais de paiement que les entreprises s’accordent entre elles dans le cadre de leurs relations commerciales. Il s’agit essentiellement :
A priori, si l’on admet que chaque entreprise est tour à tour fournisseur et client, et s’efforce d’obtenir de ses fournisseurs le crédit qu’elle a consenti à ses clients, les montants cumulés des créances clients des entreprises et des dettes fournisseurs devraient se neutraliser. Mais la réalité est tout autre :
La loi de modernisation de l’économie (LME) instaure depuis le 1er janvier 2009 pour les contrats commerciaux un plafond légal de paiement de 60 jours à compter de la date d’émission de la facture ou de 45 jours fin de mois. Ce plafond imposé s’applique à tous les professionnels des secteurs de l’industrie, du commerce, des services, de l’artisanat sauf exceptions mentionnées dans la loi.
En l’absence de précision dans les conditions générales de vente, le délai de paiement de droit commun de 30 jours suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée reste valable.
Des règles spécifiques et contraignantes existent aussi pour la commande publique.
Le crédit interentreprises en France atteignait, en 2019, 600 milliards €. Une telle intensité de pratique conduit les entreprises industrielles et commerciales à exercer un métier de financier qui n’est pas de leur vocation première. Déjà mobilisées par les contraintes de production ou de vente, elles n’ont pas forcément les moyens de s’outiller, ni la disponibilité de temps et d’esprit pour gérer ce crédit. Or, du crédit non ou mal géré peut avoir des conséquences catastrophiques. C’est le fameux effet domino. Recourir au factor permet à l’entreprise de trouver « clefs en main » les moyens de valoriser outil de gestion et crédit management, tout en maîtrisant mieux les charges de structures.
Tant sur le plan matériel qu’humain, de fort nombreuses entreprises, de la PME à la grande entreprise, peuvent trouver dans le recours à l’affacturage une solution externe, risquons le mot, une sous-traitance compétitive, immédiatement disponible et fiable. Plus-values incontestables dans le service assumé par le factor ; c’est-à-dire :
— Une gestion du poste clients par un vrai spécialiste disposant d’outils adéquats. Un patron ou un chef comptable de PME a mieux à faire que de relancer ses clients en retard de leurs règlements et de vivre, trop souvent, sous la pression d’une banque soucieuse d’une échéance insuffisamment couverte et pouvant le manifester par une attitude de recul, voire de retrait.
Le dirigeant de grande entreprise a de même à arbitrer entre le temps et le coût d’une solution qui lui soit propre, et l’intérêt d’une sous-traitance maîtrisée dans ses coûts. L’allégement des tâches matérielles (relances, encaissements, etc.), lourdes, ingrates et répétitives, permet alors de mieux traiter les anomalies graves, telles que les litiges. Ce qu’il importe de régler pour un chef d’entreprise, ce ne sont pas les 95 % de factures qui finissent par être honorées, mais les 5 % d’impayés vrais en dépit des efforts faits.
— Une sous-traitance du service de gestion, source d’enrichissement d’informations et d’indépendance, pouvant aider à la solution des conflits fréquents entre le souci commercial de ménager le débiteur et les nécessités de trésorerie. « Faire rentrer l’argent » par un tiers est une méthode parfois plus efficace et évite les interférences commerciales délicates. Finalement, si beaucoup d’entreprises n’hésitent pas à sous-traiter tout ou partie de leur production, pourquoi ne pas faire de même en matière de gestion du crédit client avec l’aide du factor ?
L’octroi du crédit au client est une obligation commerciale, mais celle-ci ne justifie pas d’en user en aveugle, c’est-à-dire sans savoir à qui l’accorder, ni sans en surveiller l’usage.
Par la délivrance des approbations, le factor va inévitablement hiérarchiser et trier la clientèle existante, mais il aide aussi par ce biais l’entreprise à sélectionner la clientèle nouvelle. Les approbations peuvent ainsi constituer à la fois un contrôle de la qualité du fonds de commerce existant et une aide à la prospection. Le factor a les moyens de déceler ce qui a priori peut constituer un mauvais risque et il est de sa responsabilité de l’indiquer en ne l’approuvant pas. Le refus d’approbation d’un débiteur n’interdit pas à l’entreprise de travailler avec celui-ci, elle peut le faire à ses risques et périls, mais, au moins, sera-t-elle prévenue et consciente du péril. Elle pourra même, si elle le souhaite, confier la créance en « gestion » au factor qui la suivra avec autant d’attention que les autres, faute qu’il veuille ou puisse créer pour l’espèce un sous-système de gestion à efficacité moindre. La qualité de la clientèle prime à terme sur le volume du chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires traité avec de mauvais clients ou des clients incertains est source de pertes de rentabilité et une menace pour la pérennité de l’entreprise.
Le « risque client », s’il se décide à un instant donné, doit être suivi à tout instant.
Maintes entreprises pensent à se renseigner sur un nouveau client, mais combien ont les moyens de surveiller l’évolution de la situation dudit client au risque de surprises fâcheuses après quelques mois de relations ?
La surveillance permanente qu’exerce le factor et dont le bénéfice profite automatiquement aux lignes de garantie ouvertes se renouvelant à tout moment par des remises de créances. Le factor se doit donc de contrôler les approbations en perpétuel renouveau et les débiteurs qui en sont l’objet.
Outre la qualité de ses propres outils de crédit management, le factor possède un atout majeur : il gère les créances et il a, par là même, une vision directe et immédiate des relations avec le débiteur touchant non seulement les créances d’un seul adhérent, mais les créances de plusieurs adhérents.
Le factor possède une information de première qualité grâce au « vécu » quotidien des encaissements, lesquels fournissent des clignotants utiles (délai de retour des traites acceptées, demandes de prorogation, etc.), clignotants qui peuvent souvent, dans l’instant ou à terme, être enrichis de l’intervention du factor auprès de multiples adhérents. Il est bien certain, par exemple, que si, pour tous les adhérents en relation avec un même débiteur, le factor note des difficultés de recouvrement, c’est bien que l’intéressé est un « débiteur à risque ». A raison de son activité même, le factor a la possibilité d’une qualification croisée et d’un « réétalonnage » permanent de ses décisions de crédit. Ses différents adhérents profitent, ce faisant, d’une mutualisation de l’information commerciale.
Au total, c’est tout un crédit management qualifié auquel les entreprises adhérentes peuvent avoir accès en « temps partagé » en quelque sorte.
Revenons sur ce point : Solution inégalable en efficacité et en coût pour la PME et renfort précieux pour la grande entreprise, le crédit management du factor leur apporte à toutes deux une base d’information supplémentaire, extérieure, objective et frappée du sceau de l’expérience.
Quelle que soit la taille de l’entreprise, l’affacturage fournit par lui-même un élément fondamental à la maîtrise du coût et du volume des structures internes de l’entreprise. En effet, l’affacturage a pour vertu de transformer des coûts fixes d’ossatures existantes ou nouvelles en frais variables.
La rémunération du factor est prélevée sur les créances clients qui lui sont transmises, et qui dit « créance client », dit vente. Le coût de l’affacturage est ainsi proportionnel aux ventes et au chiffre d’affaires réalisé. Connu d’avance, il est, au surplus, une donnée aisément intégrable dans toute prévision. Or, une ossature existante a un coût fixe en hommes et en matériel, qu’elle serve peu ou mal selon la conjoncture. Une ossature nouvelle, pour aborder un marché nouveau, supposera des investissements certains pour des résultats possibles, mais aléatoires. Cette même donnée vaut également pour les entreprises à activité saisonnière qui trouvent ainsi un moyen d’écrêtage de leurs charges. En l’espèce, toute organisation fixe est « en excès » en basse saison ou « en insuffisance » en haute saison.
Accueillir en affacturage ce type d’activités n’aggrave pas à proportion les charges du factor qui, tout au contraire, à raison de la pluralité d’activités qu’il gère, peut y trouver les moyens d’équilibrer sa propre organisation. Par exemple, un adhérent négociant de jouets (pointe d’activité au 4e trimestre) additionné à une société de maintenance industrielle ou d’intérim (pointe : 3e trimestre), à un négociant d’engrais (pointe : 2e trimestre), ainsi qu’à un fabricant ou négociant en textile (pointe : 1er et 3e trimestres) reconstituent une activité linéaire dans le temps. Pour conclure, l’optimisation de gestion apportée par l’affacturage provient essentiellement de l’atout structurel et régulateur d’un recours à une sous-traitance qualifiée et modulable.